Quand RH rencontre IA...

Cet article imagine l'impact de l'intelligence artificielle (IA) sur les ressources humaines à travers le parcours d'une employée nommée Raphaëlle dans une entreprise fictive appelée Orion Industries.

Quand RH rencontre IA...
Photo by Birmingham Museums Trust / Unsplash

Imaginons le parcours collaborateur de demain.

Cet article est issu d'une conférence donnée il y a quelque temps pour l'INSA où la commande était de présenter l'impact potentiel de l'intelligence artificielle (IA) sur les ressources humaines. Parmi plusieurs approches possibles, nous avons choisi d'imaginer un scénario fictif : projeté en 2027, nous suiverons le parcours d'une collaboratrice dans une entreprise, de son recrutement à son développement. À chaque étape, nous nous poserons la question des transformations potentielles induites par l’IA. Cet article a pour objectif de retranscrire ce parcours.

Orion, compétences et expertises.

Le référentiel de compétence comme clef de pilotage des ressources humaines

Nous commençons notre étude de cas avec une entreprise nommée Orion Industries, une PME spécialisée dans la conception de jets privés à faible impact carbone. Le cœur de l'industrie d'Orion est le développement de motorisations hybrides de nouvelle génération pour des avions de petite taille. Leur objectif est de travailler sur des avions/voitures, ce qui permettrait, notamment dans les environnements d'affaires, d'accélérer les déplacements tout en maintenant un faible impact carbone.

Orion a entamé une profonde transformation digitale il y a quelques années. De la gestion des connaissances à l'automatisation de leurs processus, Orion s'est transformée, petit à petit, enchaînant échecs et succès. Lorsque le sujet des Ressources Humaines est arrivé sur la table, l'entreprise s'est d'abord attelée à une tâche reposant non pas sur l'intelligence artificielle mais bien sur les intelligences humaines et collectives.

L'IA et plus particulièrement les grands modèles de langage (LLM) ont cette capacité à transformer des contenus sémantiques et qualitatifs en contenu quantitatif. Le cœur des ressources humaines pouvant être assimilé à offrir le cadre nécessaire à l’enrichissement des compétences des collaborateurs, il fallait d’abord imaginer le référentiel qui permettrait de quantifier et universaliser ce développement. Orion a donc construit un référentiel de compétences qui repose sur 3 corps de compétences :

  1. Les compétences dites méta, autrement dit les compétences transverses comme la capacité à observer, à problématiser, à avoir des idées, à planifier ou même à prendre des décisions.
  2. Les compétences dites « douces », autrement les compétences sociales comme l'empathie, la conversation, la pédagogie ou même le leadership.
  3. Les compétences dites « dures » ou expertises métiers comme l'expertise mathématique, graphique, de programmation python ou autre.

C'est seulement une fois que ce travail a été réalisé que la machine a pu avoir le substrat nécessaire à sa “magie”.

Faciliter la construction du projet d'embauche.

La recherche d’un nouveau profil a émergé d’un besoin métier. Pour cela le manager à construit une grille de compétence cible. Un peu comme s'il configurait un personnage imaginaire. « J'ai besoin d'un expert qui ait un niveau 5 en Excel, mais qui soit au minimum de niveau 3 en gestion de projet, etc. ».

Une fois qu'il a confirmé son besoin et que le projet d’embauche a été validé, une IA générative écrira une proposition de fiche de poste sur la base de la grille de compétence cible mais aussi sur une charte d'embauche d'Orion. Après approbation finale, elle sera automatiquement publiée sur les différents Job Boards.

Jusque-là, ok, rien d'extraordinaire, mais restez avec moi encore quelques instants.

Le recrutement : Quand Raphaëlle rencontre David.

Have you met David ?

Raphaëlle, une ingénieure diplômée de l’INSA en quête de son premier emploi, tombe sur l’offre d’emploi d’Orion. Intéressée par l’aéronautique et séduite par la fiche de poste, elle décide d’y postuler. L’offre lui demande de se connecter sur une plateforme nommée « Constellation » sur laquelle elle dépose son CV, ses références et sa lettre de présentation / Motivation.

Logotype de Constellation

Constellation va automatiquement analyser en profondeur un grand volume de candidat, il va lire tous les documents et références, les comparer à la fiche de poste, les noter et en pré-sélectionner quelques uns.

Quelques jours plus tard, Raphaëlle reçoit une notification « nouveau message reçu d’Orion ». Le message a été envoyé par David, un responsable de recrutement digital à l’apparence curieuse : un cerf anthropomorphe. Il lui explique qu’il est un agent IA généré sur mesure pour elle et qu’il sera en charge de l’accompagner dans cette phase de recrutement. Il lui réexplique son parcours qu’il valorise énormément. Il lui précise que leur conversation est confidentielle, que personne n’aura accès à leurs échanges, et qu’il ne peut envoyer que des appréciations aux ressources humaines d’Orion . Si elle est en accord avec cela, il lui propose le processus suivant.

  1. Pendant ces temps d’échanges qui vont durer environs une semaine, Raphaëlle sera libre de lui poser toutes les questions qu’elle veut sur l’entreprise, la culture, et même organiser un échange avec un collaborateur de l’entreprise si elle préfère avoir un regard croisée avec un “humain” pour se donner un avis sur l’organisation.
  2. En retour David lui posera des questions de culture générale ou de culture technique, sur certains points de son CV, sur ses passions et/ou ses journées.
Meet David.

Que fait David ?

Pour approfondir le fond de la forme. Un agent IA est un interlocuteur artificiel conçu sur mesure pour être en phase avec Raphaëlle. Il est généré suite à l'analyse de la lettre de motivation et du CV de Raphaëlle. Un autre candidat aura un assistant différent. David apprendra et ajustera les dimensions de ses réponses au fur et à mesure qu'il apprendra à la connaître. Maintenant, pourquoi ressemble-t-il à un personnage de dessin animé ? Pour deux raisons. D'abord, pour ne pas induire l'utilisateur en erreur et rester transparent avec lui, David n'est pas un humain, ce n'est pas une vraie personne, c'est un chatbot très évolué. Ensuite, parce que nous avons tendance à nous attacher à ce type de personnage, créant dés lors un premier pont affectif entre un talent et l'entreprise. Disney est un bel exemple d’industrie qui s’est construite sur le lien empathique qui peut exister entre ses personnages et ses différentes formes de spectateurs.

En fonction du poste et des expertises recherchées, David va orienter certaines questions et analyser la façon dont s'exprime Raphaëlle par écrit, son rythme de réponse, son temps de réactivité aux questions, sa personnalité, etc. pour jauger de sa motivation et faire correspondre son comportement et ses connaissances à la grille de compétence recherchée par Orion. Suite à cette analyse, David va émettre une note et une appréciation, pré-sélectionnant Raphaëlle pour le poste. C'est la responsable de recrutement, Annabelle, une humaine, qui déclenchera la suite du processus.

Quelques jours plus tard, David va remercier Raphaëlle pour son temps et lui demander si elle aimerait rencontrer Annabelle lors d'une visio ou d'un café pour un échange. Ce que Raphaëlle ne sait pas, c'est que c'est un entretien de finalisation du parcours. Annabelle prendra deux heures de son temps pour elle-même se faire une idée de la candidate, discuter du poste, de la carrière et bien sûr du salaire avec Raphaëlle.

Après approbation finale d'Annabelle, David recontactera Raphaëlle pour une proposition d'emploi et la remerciera pour les temps d'échanges qu'ils ont eu ensemble. Il terminera par lui souhaiter bonne chance et bon courage pour la suite.

L'accompagnement sur mesure des Talents

Raphaëlle a bien sur accepté l’offre d’embauche et elle aura la surprise de retrouver David lors de sa prise de poste. David la félicite pour son embauche et lui explique qu'il sera désormais son assistant pendant toute la durée de son parcours au sein d'Orion Industries.

Il l'aidera sur les points suivants :

  1. Il incarnera le SIRH, il sera à sa disposition pour toutes les formalités administratives. Raphaëlle pourra lui demander par exemple : "Quel serait le meilleur moment pour poser une semaine de vacances l'hiver prochain en fonction de mon agenda ?" ou plus directement "Pourrais-tu poser des congés du 8 au 12 mai, s'il te plaît ?" Raphaëlle pourra lui envoyer un arrêt maladie du médecin par exemple. David analysera le document, comprendra ce que c'est et ce qu'il doit faire avec.
  2. Il facilitera ses tâches quotidiennes. David possède les mêmes fonctions qu'un ChatGPT. Il aura accès aux agendas professionnels ainsi qu'aux différents documents, savoirs et livrables produits par Raphaëlle tout au long de sa carrière. Il pourra réaliser des tâches comme l'organisation de rendez-vous, la correction de certains documents mais aussi l'aider à produire certains scripts ou matrices de calcul.
  3. Il l'accompagnera dans sa montée en compétence. David ira un peu plus loin. Grâce à l'analyse, la classification et l'organisation automatisée des documents produits, connecté au LMS d'Orion, le système de gestion des formations, David pourra lui proposer des modules pédagogiques et surtout être proactif. Par exemple, si Raphaëlle a une présentation importante à faire devant un comité, David pourra lui proposer un module e-learning sur la prise de parole en public. Il ira plus loin et, à travers des vidéos, il lui proposera de répéter son discours avec lui et lui offrira des feedbacks sur son éloquence, la position de son regard, l'usage des pauses, etc. Il lui conseillera aussi de s'entraîner devant d'autres personnes, humaines, afin d'avoir d'autres retours que le sien. Au fur et à mesure de ces analyses et formations, David fera évoluer le référentiel de compétences de Raphaëlle et lui poussera de nouveaux modules en fonction de ce qu'il observe et de ce que Raphaëlle désire apprendre.
  4. Il participera au bien-être des collaborateurs. De temps en temps, David pourra simplement demander comment Raphaëlle va, comment elle se sent, comment est sa charge de travail actuelle, etc. Cela sera une première analyse explicite, mais nous savons tous que nous ne pouvons pas nous baser uniquement sur du déclaratif lorsqu'on parle de santé mentale et plus particulièrement dans la prévention des risques psychosociaux. En parallèle, pour compléter, David fera une analyse implicite du comportement de Raphaëlle, il analysera ses temps de réponse mais aussi le volume de ses réponses, les champs sémantiques qu'elle utilise etc. En d'autres termes, David pourrait être un premier niveau de support psychologique en cas de besoin.

Mais il pourra surtout faire remonter des alertes aux ressources humaines afin que des actions soient prises. David est un double assistant autant au niveau de Raphaëlle que pour Annabelle et ses équipes de ressources humaines.

L'autre côté du miroir : du côté des ressources humaines.

Du côté des Ressources Humaines donc, la présence et l'activité de David offrent une multitude d'opportunités et d'outils pour mieux comprendre, guider et soutenir Raphaëlle.

Tout d’abord, les Ressources Humaines ont accès à une grille de compétences dynamique qui évoluera au fur et à mesure des interactions pédagogiques entre Raphaëlle, David et les formations qu’elle suit. Cela signifie qu’Annabelle pourra suivre de près l'évolution des compétences de Raphaëlle, ajuster ses plans de formation en conséquence et veiller à ce qu'elle ait toujours les compétences nécessaires pour réussir et s’épanouir dans son rôle et les suivants.

D’un point de vue administratif, Annabelle aura bien sûr accès à tous les documents administratifs soumis par Raphaëlle. En théorie, David aura déjà fait les actions nécessaires dans le SIRH, Annabelle n’aura aucune action à réaliser, néanmoins, elle pourra avoir accès à ces documents en cas de contrôle par exemple.

Pour faire écho à cette notion de bien-être, Annabelle aura accès à une courbe de bien-être qui fluctuera en fonction de l’analyse de David.

Tous ces indicateurs permettront d’avoir une appréciation globale et rapide du parcours du collaborateur au sein d’Orion. Pour avoir besoin de plus d’information, Annabelle pourra elle aussi échanger avec David pour lui poser des questions sur Raphaëlle. Encore une fois, David ne pourra en aucun cas expliciter des informations confidentielles échangées lors de leur conversation, que ce soit dans un sens ou un autre d’ailleurs, Raphaëlle ne pourra pas avoir accès aux questions posées par Annabelle. Les interactions avec David permettraient d’avoir son avis par exemple avant de proposer une évolution de poste par exemple.

Au final, David se place donc comme une interface intelligente entre Raphaëlle et la fonction Ressources Humaines, permettant une communication plus fluide, des décisions plus éclairées et, en fin de compte, une meilleure expérience collaborateur.

Et si nous continuions à imager de nouveaux impacts de cet exercice d’implémentation de l’IA dans la fonction RH ?

Optimisation du temps et impact social : La semaine de 4 jours

Comme nous l'avons mentionné précédemment, David joue un rôle crucial dans l'accompagnement de Raphaëlle dans ses fonctions et missions. Globalement, cela se traduit par une optimisation significative de son temps de travail grâce à plusieurs aspects opérationnels, comme la rédaction de ses comptes rendus, l'aide sur des tâches techniques spécifiques ou l'accélération de sa veille technologique.

Si nous extrapolons, on pourrait dire que David a permis à Raphaëlle de faire ce qu’elle faisait en 5 jours en 4. Cette réduction du temps de travail n'entraîne pas de baisse de productivité. Au contraire, grâce à David, Raphaëlle a pu se concentrer davantage sur les tâches à haute valeur ajoutée, où sa contribution humaine est indispensable. Que ce soit pour Raphaëlle ou Annabelle, David a permis de retrouver un temps dit « qualitatif » qui favorise l’engagement du collaborateur et le développement d’une profonde culture d’entreprise.

4 jours de travail en 5, qu'est-ce qu'Orion pourrait faire de cette 5e journée ?

Engagement social et entreprise à mission

Orion Industries, en tant qu'entreprise à mission, s'est engagée à avoir un impact social positif. Cette notion, introduite par la loi PACTE en France, permet aux entreprises de définir dans leurs statuts une "raison d'être" ou des objectifs sociaux et environnementaux qu'elles s'engagent à poursuivre. Ces entreprises sont tenues de rendre compte de leur performance non seulement en termes financiers, mais aussi en termes d'impact social et environnemental. Sur le sujet d’entreprise à mission, si vous êtes dans notre belle région Centre Val de Loire, je vous invite à vous rapprocher de Digital Loire Valley qui porte le label territoire à mission et qui est au centre d’un réseau qui pourra vous accompagner dans ces démarches.

Dans le cas d'Orion, l'engagement social se traduit par l'encouragement de ses employés à s'investir dans des activités socioculturelles bénévoles et le temps libéré par l'optimisation du temps de travail grâce à l'IA leur permettra cet investissement. Par exemple, Raphaëlle, passionnée de photographie, a pu s'engager bénévolement au musée des beaux-arts pour donner des cours de culture d’image à des collégiens issus des quartiers prioritaires des villes.

Ce que fait l’entreprise, c’est de s’engager dans du mécénat de compétences, une forme de mécénat d'entreprise qui consiste à mettre à disposition des collaborateurs sur leur temps de travail pour réaliser des actions d'intérêt général. Les avantages sont nombreux, que ce soit au niveau humain qu’au niveau économique en offrant un développement de la culture d’entreprise en plus de crédits d’impôt par exemple. Pour plus d’informations sur le sujet, je vous invite à échanger avec Day One, un acteur qui met à disposition une plateforme pour vous accompagner dans ces démarches.

Un mot de fin.

Je pourrais continuer à développer “constellation” à travers de de nouvelles fonctions et de nouveaux impacts, mais le sujet était juste d'inspirer un imaginaire à tous les acteurs des Ressources Humaines ou dirigeant qui voudrait transformer cette fonction.

En ce qui concerne Raphaëlle, désormais fidèle puis actrice de cette culture d'entreprise singulière, elle recevra 10 ans plus tard un message de David qui la félicitera pour sa nomination en tant que directrice de la Recherche et développement, fonction qui lui a permettra de développer sa vision novatrice sur l'avionique de nouvelles générations.

En ce qui concerne le sujet plus large de l'intelligence Artificielle au sein des organisations. A travers ce scénario ancré dans une réalité proche, il est essentiel de comprendre que l'intelligence artificielle joue un rôle d'assistant et d’accélérateur, elle ne vise pas à remplacer l'humain mais bien à le soutenir. L'IA, ainsi que les différentes formes d'automatisation, permettent de personnaliser les interactions et d'offrir une approche "one to one" qui serait autrement difficile à réaliser dans des organisations en développement où le rythme ne permet plus ces rapports.

Cette notion de "temps qualitatif" sera clé dans les entreprises de demain et grâce à elle, par exemple, les ressources humaines pourraient consacrer plus de temps à développer des projets à impact et à construire des parcours de carrière adaptés.

Je me permettrais de terminer sur une note un peu « cheesy » mais en fin de compte, contrairement aux scénarios de « déshumanisation » parfois proposés à raison, j'aime croire que l'IA pourrait peut-être fournir l'opportunité tant attendue de se consacrer davantage et en profondeur à des projets à responsabilité sociétale de l'entreprise. Cela ouvrirait la voie vers une nouvelle ère où la technologie et l'humanité travailleraient main dans la main pour créer une société plus inclusive, plus équitable et pourquoi pas, plus durable.

Gd.

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