Le monde, les pensées & les idées

Quel est le lien entre nos environnements, nos pensées et nos idées ? Quelle est leur nature et comment sont-elles au cœur de nos projets personnels et professionnels ? Cet article vise à explorer cet univers extraordinaire qui émerge de la "simple" activité électrique du cerveau.

Le monde, les pensées & les idées
Photo by Annie Spratt / Unsplash

Vous êtes-vous déjà rendu compte à quel point le monde qui nous entoure est riche en pensées ? Traversez une rue ou baladez-vous dans n'importe quel espace offert par la nature ou la civilisation, de jour comme de nuit, concentrez-vous sur chaque détail, chaque couleur, chaque son, chaque mouvement ou chaque comportement. Ajoutez-y une couche de « c'est marrant », « ah bon », « tiens », « comment » et de « pourquoi » et vous commencerez à prendre conscience de l'infinité des pensées à votre disposition. Pour les entendre ? Rien de plus simple, fermez les yeux un instant, et écoutez avec attention cette musique qui émane du pincement des cordes de vos pensées, entre chaos et harmonies, vous les entendrez affluer, s'associer, se décomposer et enrichir votre imaginaire.

D'un point de vue biologique, une pensée est attachée à l'activité électrique d'un réseau de neurones, lui-même construit par nos expériences d'apprentissage et les connaissances généralisables qui en émergent. D'un point de vue cognitif, c'est une forme de concept qui émerge sous la forme d'un son, d'une image, ou pourquoi pas, d'une personne. Au même titre que les réseaux de neurones sont connectés entre eux, une pensée est dite sociale, elle est toujours accompagnée d'autres pensées avec lesquelles elle a des affinités. C'est pour cela que l'on parle rarement de pensée au singulier mais bien souvent de courants de pensées, au pluriel, car une pensée en amène toujours une autre. Un œuf vous fera penser à une poule qui inévitablement vous fera penser à un moment à un policier. Ces courants seraient le résultat de vagues électriques originaires des aires sensorielles primaires qui traverseraient nos réseaux neuronaux et gliaux en long, en large et en travers.

Mais vous saviez déjà tout cela, en tout cas vous l'avez déjà ressenti lorsque vous entrez dans un nouvel environnement, que ce soit un pays, une maison, un travail, un musée. Nous avons tous ressenti ces vagues de fraîches nouvelles pensées qui électrifient nos neurones et dont on se délecte. Ce n'est pas nouveau, l'évolution, le changement ou une rupture avec nos environnements habituels est toujours corrélée à un rafraîchissement et renouvellement de pensées trop souvent standardisées par nos routines.

Mais la magie ne s'arrête pas là, elle se prolonge dans ce qui se passe lorsque ces flux se croisent et se combinent entre eux. De ce supercalculateur qu'est le cerveau émerge le niveau au-dessus des pensées : le monde merveilleux des idées.

Là où les pensées ne seraient qu'un corrélat des décharges électriques continues qui résultent des stimuli sensoriels, les idées, elles, auraient une fonction propre : inspirer et aspirer à des objectifs abstraits pour maintenir le métabolisme dans une forme de déséquilibre moteur continu. Une idée pourrait être apparentée à une étincelle de solution à un problème identifié qui, à sa naissance, resterait sagement nichée dans cet océan inconscient que représente 90% de nos processus mentaux. Et vu le nombre de calculs réalisés à la nanoseconde, on pourrait aisement en déduire que nous avons tous des millions d'idées à la seconde. Cela veut aussi dire qu'une idée n'est jamais originale. Pour deux personnes d'un même stéréotype qui évoluent dans des milieux similaires, la probabilité d'avoir une même idée est assez haute. Faisons donc ensemble notre deuil de ces idées que l'on pense singulières.

En premier lieu, une idée ne serait donc rien d'autre qu'un noyau fumeux, imperceptible et composite. Si on devait la décortiquer, ce serait une forme savante et complexe de mosaïque composée d'éléments issus des stimuli sensoriels de l'environnement en cours, de nos expériences, de notre culture et d'hypothèses de ce que pourrait être notre monde demain. En ce sens, une idée a une forme de poésie : c'est une des rares entités qui incarne en même temps un passé, le présent et un futur.

Une fois ce noyau quantique cristallisé, une idée aurait 3 évolutions possibles. Soit elle est balayée et détruite par la force des flux d'autres pensées, un peu comme des vagues balayant de légers dessins sur le sable, soit elle a assez de résistance pour persister sous une forme légère, soit, au même titre que la formation de corps stellaires, elle a assez de masse pour attirer et agréger d'autres pensées, et ainsi devenir ce que l'on pourrait appeler « une idée gravitationnelle ».

Une idée serait une vision d'un monde qui n'existe pas encore, c'est un objectif qui guide des actions à travers le temps. Chacune de ces actions provoque des expériences, chacune de ces expériences provoque des changements dans nos environnements, et chaque retour d'expérience va générer de nouvelles pensées et idées qui vont s'agréger à cette idée gravitationnelle ou, au contraire, la désosser. C'est dans ce processus d'expérimentation, dans cet agrégat d'autres pensées, d'autres sensibilités, d'autres avis, d'autres idées et d'interactions qu'une idée va se transformer en projet pour enfin se différencier de l'idée noyau de notre voisin. Une idée naît toujours au détour d'un hasard, puis, si elle persiste à travers le temps, motive un projet qui peut prendre de plus en plus de place dans nos têtes, pour peut-être arriver au stade où tout ce que l'on pense, sent ou fait nourrit cette idée à un niveau parfois obsessionnel. Si cette sensation vous dit quelque chose, bienvenue dans le côté obscur des idées :p

Une idée est tournée vers l'action, elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est surtout subjective, belle et parfaite à nos yeux. Quand on y réfléchit, une idée pourrait être apparentée à quelque chose de vivant. C'est comme si elle ne demandait qu'à être incarnée ou partagée dans un monde physique sous n'importe quelle forme : un texte, un dessin, un tableau Excel, une conversation, une ligne de code ou tout autre médium offert par nos cultures. C'est comme si elle ne demandait qu'à « sortir » pour maintenir un niveau acceptable d'objectivité et ainsi continuer à évoluer sainement. Elle a ce besoin d'être perpétuellement testée pour se transformer, se justifier, confirmer ou réfuter son sens ou son existence. Une idée ne fonctionne que si « nous faisons ». Si ce travail n'est pas fait, alors elle prend du poids, se sophistique, s'auto-satisfait et inhibe toute action car trop massive. On les connaît aussi celles-là, ce sont les idées complexes et parfaites dans nos mondes imaginaires, celles que l'on garde jalousement, ce sont nos « précccccccccieeeeeeeeeeeeux ». Elles sont tellement réfléchies que nous avons peur de les réaliser car nous craignons soit de les briser soit de se rendre compte que finalement, elles ne sont pas si bonnes que ça. En bout de course, elles deviennent une source perpétuelle de frustration et de biais comportementaux et, là où une idée doit être source de mouvement, elle devient une source d'immobilisme néfaste.

Une pensée n'est rien, mais une idée peut être quelque chose. Une idée n'a aucune morale, elle nous pousse seulement à agir. Elle peut nous construire mais aussi nous nuire. Mais si elle est osée assez tôt, correctement cultivée, action par action, petit à petit, patiemment, avec l'attention et le temps qu'elle nécessite, alors cette dynamique la transformera, non pas en obsession, mais bien en rêve et, pourquoi pas, de ce rêve naîtra une nouvelle réalité.

Gd.