Le rôle des collectivités pendant les crises

L’Humain est une espèce dite sociale par nature et nécessité. Notre capacité à nous regrouper en communauté, à interagir et à coordonner…

Le rôle des collectivités pendant les crises
Photo by Andre Benz / Unsplash

L'humain est une espèce dite sociale par nature et nécessité. Notre capacité à nous regrouper en communauté, à interagir et à coordonner nos actions pour résoudre des problèmes que seul un groupe peut résoudre est au cœur de la création, du développement et de l'évolution de nos cultures. C'est du donnant-donnant, l'individu met ses compétences et ses ressources à disposition du bien commun et en retour, il le protège et permet aux individus qui le composent de prospérer. De cette interdépendance entre individu et collectif émerge le concept même d'intelligence collective.

La complexification de nos communautés nous a forcés à nous organiser et à créer des espaces et des fonctions partagées pour encadrer et optimiser la coordination entre les tâches des individus. Ces espaces physiques et moraux sont régis par des ensembles de règles sociales et éthiques que nous connaissons sous le nom de lois. Le rôle d'une collectivité est donc, via des services et des aides, de favoriser et d'accompagner la coordination des individus qui la composent afin de leur permettre de créer de nouvelles richesses collectives puis individuelles.

L’observatoire des changements

Une collectivité est indissociable de ses usagers et de l'environnement dans lequel elle évolue. Ce n'est pas un écosystème statique, elle doit constamment s'adapter aux forces internes et externes qui agissent sur elle. D'un côté, elle est influencée par l'environnement externe et plus particulièrement par les politiques globales auxquelles elle répond, que ce soit au niveau départemental, régional ou national. De l'autre côté, elle doit s'adapter aux changements de comportement des individus qui lui permettent d'exister. Cette danse est nécessaire et est motrice d'innovation, sans quoi cette même collectivité risque de dépérir et de se rompre sous l'effet de ces forces.

Ces forces initient des changements continus, mais plus ils seront soudains et puissants, plus ils seront qualifiés de crise et plus ils forceront la collectivité à se réinventer à court terme. C'est pour cette raison que développer une capacité à observer les changements internes et externes est primordiale afin qu'elle puisse changer son fonctionnement et s'y adapter.

3 crises + 1

La particularité de la société contemporaine est qu'aujourd'hui les collectivités doivent faire face à (3 + 1) grandes crises simultanées : une écologie en souffrance, des ruptures technologiques et une évolution de la population. La crise sanitaire et les profonds changements qui en découlent constituent la 4e.

La transition écologique

Le problème de l'écologie est aujourd'hui au cœur des nouvelles politiques d'urbanisation des grandes, moyennes et petites métropoles. Les réflexions environnementales entraînent une nécessité de repenser le rôle des collectivités dans la gestion, le recyclage et la mutualisation des ressources partagées. Repenser nos cités pour les rendre plus éco-responsables est sûrement le plus gros défi des années à venir car cela redéfinira les modes de consommation, de déplacement et de travail de l'ensemble des citoyens qui les composent.

La ville est par définition l'environnement matériel et immatériel qui guide la coordination entre les individus, changez-la et vous insufflez naturellement des changements dans leurs comportements. Comme tout exercice de changement, elle peut susciter autant de facilitation que de résistances, c'est pourquoi ces nouveaux programmes doivent être pilotés en symbiose en collaboration avec leurs destinataires : les usagers. La mise à disposition des données publiques couplées aux approches centrées sur les usages et à la mise en place de budgets participatifs constituent le cœur des nouvelles démarches d'urbanisation.

Les révolutions du numérique

Si la création de moyens de transport individuels ou collectifs ainsi que l’instauration de réseaux routiers pour les faire circuler a permis une accélération de nos modes de coordination, la création des nouvelles infrastructures de l’information a ouvert la porte à de profondes révolutions. On parle d’urbanisation des données et ce travail est au cœur du développement économique mondial et des collectivités de demain. La création et l’expansion de ces autoroutes de l’information par les télécoms en termes de volume, de taille et de vitesse de transfert ont ouvert la porte aux évolutions inhérentes à “l’ère du numérique”. Nous en voyons trois majeures.

  • La première réside dans la transcription et la création de tâches au sein de programmes informatiques. Cette programmation a permis d’optimiser, d’accélérer et d’automatiser cette fameuse coordination des tâches. Elle a d’ailleurs permis de diminuer les référentiels de temps. Là où il fallait 1 mois pour réaliser une tâche, aujourd’hui il faut une journée, voire moins. Ce glissement de référentiel a profondément impacté nos modes de travail et de production collective et a significativement augmenté le niveau d’activité de la population. Les collectivités devront intégrer dans leurs nouveaux modes de travail cette révolution et notamment utiliser les nouveaux outils pour optimiser leurs systèmes d’informations et leurs modes de collaboration;
  • La seconde révolution réside dans l’accès aux données produites par ces mêmes programmes. Internet est aujourd’hui une source quasi infinie d’informations. Cet accès massif à la connaissance et à son partage a d’abord permis d’accélérer les apprentissages individuels et collectifs puis d’accélérer la production même de nouvelles connaissances. Lors de la crise du covid, le JOGL (Just one giant Lab) a montré la puissance d’une plateforme de mobilisation massive, ouverte et redistribuée pour la résolution collaborative de problématiques d’intérêt général. Le revers de la médaille ? Ce partage intensif d’informations est malheureusement indissociable du phénomène de désinformation. Les médias ne sont aujourd’hui plus la seule source d’informations et les citoyens peuvent décider de se fier à n’importe quelle source, critiquer les autres et diffuser ces mêmes critiques à travers ces mêmes réseaux d’informations. La question du rapport de confiance à ces sources d’informations, notamment lors de campagnes électorales, est aujourd’hui au cœur des problèmes auxquels les collectivités doivent constamment faire face. D’un point de vue technologique, le rôle de l’IA et de la blockchain auront dans le futur un rôle majeur dans cette “confiance numérique”. D’un point de vue comportemental, le réflexe des “vérifications des faits” devra se démocratiser;
  • La troisième révolution émerge de l’interaction entre les deux premières. La façon dont les données sont représentées et mises à disposition des utilisateurs est la clé des nouveaux usages du numérique. Les interfaces graphiques et virtuelles ont permis de créer de nouvelles façons d’interagir avec des environnements créés sur mesure. Ces nouveaux usages doivent être au cœur du nouveau design de service des collectivités.

Les nouveaux usagers

La responsabilité envers l'environnement, les changements post-crise sanitaire et ces 3 révolutions numériques constituent les fondements des nouveaux usages, des modes de pensée et des modes de travail des nouveaux groupes sociologiques que l'on appelle la "génération X, Y et Z" : des esprits en quête d'indépendance vis-à-vis du "système", autonomes, critiques, affranchis des règles du passé et animés d'une mission de changement éthique et moral des sociétés.

La prise en compte de cette nouvelle génération, de leurs envies, de leurs besoins et de leurs travers est une nécessité pour le développement des collectivités. Quels modes d'éducation ? Comment les accompagner dans notre société ? Quelle urbanisation ? Quels espaces et politiques pour la cohabitation des générations et la transmission de savoir ? Quels services ? Cette nécessité d'évolution mutuelle engage une phase de transition au sein du service public qui le pousse à se réinventer.

Le crise sanitaire

A court terme, l'impact de la crise a une incidence importante sur notre système de santé et donc sur la mortalité de la population. L'impact social de cette crise est la partie cachée de l'iceberg. Si nous analysons notre société comme un organisme vivant, alors le Covid-19 peut être qualifié de virus social. Il touche spécifiquement notre capacité à nous déplacer et à échanger physiquement avec d'autres individus : le cœur du développement des sociétés. C'est un peu comme si on forçait les cellules de notre corps à ne plus communiquer avec les autres. Ce manque de coordination affecte les performances de l'organisme entier. C'est exactement ce que nous expérimentons. L'utilisation des infrastructures urbaines diminue, les échanges se sont reposés sur cette infrastructure de données présentée ci-dessus. Le transfert des communications et des tâches sur les environnements digitaux a révélé toutes les forces et faiblesses de nos organisations en termes de management, de bien-être, de système d'information ou de prise de décision collective.

Au final, là où nous pensions que les liens numériques étaient l'accélérateur de développement, nous nous sommes rendus compte que s'appuyer exclusivement sur ces architectures a comme effet principal un ralentissement du travail collectif et donc de l'économie. Les interactions physiques sont et resteront les catalyseurs de notre développement collectif et le futur de notre économie reposera sur cette élasticité et cette complémentarité entre environnements physiques et numériques.

De cette réflexion découlent plusieurs défis pour les collectivités. Bien sûr, il y a la question de l'accès universel au numérique, mais à côté de cela, les politiques devront se questionner sur les fonctions des espaces collectifs et collaboratifs. Que ce soit au niveau éducatif, social, technique ou culturel, les espaces partagés de demain pourraient être vus comme des accélérateurs de cohésion et de coordination sociale, tandis que les espaces privés pourraient être vus comme des espaces de concentration et de productions individuelles.

L’organisation des collectivités dans un monde post-crise.

Comme présenté ci-dessus, parce que les collectivités régissent et pilotent les principales infrastructures et services au cœur de la vie citoyenne, elles doivent absolument prendre en compte ces nouveaux environnements de crise et se réorganiser afin de pouvoir s'y adapter et maintenir leur fonction principale : la cohésion de la communauté. Pour cela, elles devront poursuivre sur les points suivants :

  • Pour optimiser le fonctionnement interne et accélérer les prises de décision et les livraisons de services, elles devront intégrer des modes de travail et de gestion de projet transversaux et transdisciplinaires.
  • La refonte de leur système d'information pour intégrer les nouveaux usages du numérique et optimiser les interactions au sein de l'organisation mais aussi avec les usagers.
  • L'automatisation des tâches "techniques" obligera les collaborateurs à développer de nouvelles compétences à plus forte valeur ajoutée comme la capacité à imaginer, observer, discuter, créer, prendre des décisions, apprendre, etc. Cette évolution obligera les collectivités à repenser leurs références en termes de compétences et de métiers.
  • Les seules personnes qui pourront assurer ces changements sont les collaborateurs eux-mêmes. Le principal levier de changement reste et restera donc l'accompagnement pédagogique de ces collaborateurs pour faire évoluer ces modes de pensée. Pour cette raison, les modes et les sujets de formation devront refléter ces nouveaux modes d'organisation.

Je m'attarderai un peu sur ce dernier point car c'est probablement le plus important. Peu importe vos théories et philosophies autour de la sociologie des organisations, il existe un fait : une société est formée par les individus qui la composent. L'environnement peut influencer, mais vous pouvez lui donner tous les conseils du monde et lui fournir les outils les plus performants, s'il ne veut pas changer ou ne comprend pas pourquoi il doit changer, il résistera et les organisations ne pourront pas évoluer.

Finalement, nous pensions que le levier d'évolution de nos cultures résidait dans le développement des architectures et des innovations du numérique. Elles ont leurs effets, mais si l'on veut accompagner une évolution éthique et morale de nos sociétés, le principal chantier se fera au niveau de l'innovation pédagogique pour élever les mentalités et les compétences qui seront au cœur de ces changements.

C'est pour cette simple et assez logique raison que l'agence iro se concentrera désormais principalement sur une expertise d'ingénierie pédagogique afin de concevoir, de mettre en place et d'accompagner les nouveaux modes d'enseignement, d'éducation et d'apprentissage pour assurer la philosophie et la montée en compétence des personnes qui façonnent les organisations d'aujourd'hui et de demain.

Gd.