Travailler sans distances

Comment les systèmes d'informations permettraient de maintenir une performance à distance ?

Travailler sans distances
Photo by Jessica Yap / Unsplash


Heureusement ou malheureusement, la situation actuelle nous force à changer nos modes de travail. Les organisations qui n'avaient pas encore intégré le télétravail doivent apprendre "à la dure" et celles qui se vantaient de l'avoir déjà intégré se retrouvent à devoir le faire à temps plein, ce qui n'était pas non plus le projet de départ.

Cette observation a motivé un collectif à réfléchir à cette problématique. Cet article est une fusion des réflexions de 5 entrepreneurs sur le sujet. Je remercie Olivier Heim, Laetitia Audoin, Audrey Jaillard et Tangui Friant de me permettre de synthétiser ces idées dans ce texte.

Travailler en équipe dans un espace physique est aujourd'hui quelque chose d'acquis. Même si ce modèle peut être parfois remis en question aujourd’hui, il est bon de souligner l’importance de travailler dans un environnement physique partagé. Parce qu’ils sont sensoriellement riches, les espaces de vie et de travail sont beaucoup plus stimulants. Ils sont agencés avec des périmètres délimités pour éviter le stress des open space tout en permettant l'échange intime d'innovations. Ils sont interactifs pour permettre aux collaborateurs de s'en approprier et d'utiliser des murs physiques et digitaux comme canevas de projection d'une pensée collective. Les rares réunions sont en fait des ateliers conduits par des individus de chair et d'os aux présentations dynamiques, animées et interactives pour maintenir l'attention, le bon niveau de concentration et la participation du groupe. Ces espaces sont le foyer temporaire d'individus qui deviennent accessibles à des idées, que ce soit pour stimuler une conversation ou saisir des informations "à la volée". Le partage d'expérience au sein d'un même espace permet de rire, de pleurer, de s'énerver ou de se gratifier, bref, de souder les équipes et de cultiver le sentiment d'appartenance à un groupe, une équipe, une organisation. On peut faire l'apologie du travail à distance, mais pour assurer une cohésion au sein d'un collectif, il n'y a rien de mieux que de prendre part à ces moments entre individus.

Qu'est-ce qui se passe lorsque nous n'avons pas cela ? Lorsque nous sommes détachés de cet environnement physique et social ? Comme dans tout saut brusque dans un changement imposé, on essaie de faire comme si rien n'avait changé. On s'agite et on essaie de maintenir une vieille dynamique dans un nouvel environnement. Comme si nos actions pouvaient reproduire quelque chose qui n'est plus. Téléphone à l'oreille, on essaie de maintenir ce niveau d'échanges d'informations par des appels à droite et à gauche pour avoir "l'information", on lance des réunions à gogo à 10 dans une "conf-call" ou en visio, on intensifie les échanges de mails, on se noie dans des attentions partagées entre vie familiale et professionnelle et on essuie des fins de journées exténuées où l'on se demande ce que nous avons concrètement fait. J'accentue ici volontairement le trait bien sûr, mais la perte du lien physique entre individus et la restriction sensorielle de l'environnement de travail à un écran, un casque et un micro nous obligent à changer de stratégies et à repenser à l'essentiel du concept même de "mode de travail".

Donc je vous pose la question, "qu'est-ce que travailler ?". Le travail pourrait se résumer simplement : quelqu'un qui fait quelque chose dans un temps imparti en échange de quelque chose. Si on met la dernière partie de côté, on se retrouve avec un grossier qui fait quoi, pourquoi, comment, pour qui et pour quand ? C'est la définition d'une tâche : l'information de base dans toute organisation de travail. Pour gagner en efficacité, les équipes doivent se recentrer et gérer leurs projets par les tâches et les centraliser dans un espace dédié. Aujourd'hui, ces espaces s'appellent Jira, Monday, click-up, Asana, Gipsy Time ou autre. Ouvrir les accès à ces informations à tous permet de fluidifier la temporalité des retours d'informations. Comme un membre a accès à une information ouverte, il peut répondre à un commentaire sur une partie spécifique du projet ou faire un retour spécifique quand il est en disposition de le faire. C'est la base de ce qu'on appelle la communication asynchrone spécifique. Il n'a donc pas besoin d'appeler et peut-être de déranger un collègue qui effectue une autre tâche pour lui dire quoi faire ou demander comment le faire. Souvenez-vous, vous n’êtes plus dans le même espace pour voir si la personne est occupée ou non. Vous l'aurez compris, cela n'est bien sûr possible qu'après la mort du micro-management et permet ainsi la mise en place d'une confiance et d'une autonomisation du travail d'autrui : chaque membre est manager de sa tâche. Tout ce système permet de mieux contrôler, espacer et maîtriser les temps d'échanges dits "synchrones" : un message instantané pour prendre des nouvelles ou envoyer une blague, un appel pour une urgence et des réunions sporadiques.

Je terminerais cette note sur ce dernier point. Souvent déjà envahissantes dans le monde réel, les modes de réunions à distance sont légèrement différents. Avec des environnements appauvris, les attentions et la collaborativité sont appauvris. Ceci est à moitié vrai aujourd'hui. Notre ère vient avec de nouveaux outils qui nous permettent de reproduire certains paramètres d'une réunion, voire de les améliorer : des outils comme Mentimeter, Klaxoon ou Beekast permettent d'interagir à distance avec un speaker et d'autres comme Miro, un tableau blanc collaboratif, peuvent profondément changer la conduite de réunion. Mais la vraie différence est la physiologie de la réunion à distance. On l'a tous expérimenté, plus il y a de participants à une réunion à distance, plus faible sera son efficacité. Pour maintenir un bon niveau de productivité, ces réunions doivent être animées par un ensemble de bonnes pratiques et être divisées en plusieurs moments : un lancement, la répartition de l'ordre du jour en groupes de travail de 2-3 personnes, un temps de travail dédié sur un espace collaboratif commun, un temps d'échange final et la répartition des tâches pour la période suivante.

Le profond changement que nous vivons nous force donc à repenser comment travailler efficacement à distance tout en maintenant une forte cohésion d'équipe. Mais quand on y pense, est-ce qu'elle ne nous force pas à nous questionner sur comment être efficace tout court ? Peut-être que finalement, elle nous donne juste le temps et les contraintes qu'il nous fallait pour repenser à l'essentiel....

Gd.