Informations, organisations & design de process

Pourquoi les process sont-ils au coeur des organisations de demain ?

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Photo by Nik / Unsplash

Le design organisationnel ou l'architecture d'organisation est un domaine qui vise à structurer et articuler les différentes dimensions des entreprises pour leur permettre un développement éthique, moral et économique sain et performant.

Ce travail nous demande d'abord de définir ce qu'est une organisation, puis de développer des clés et des méthodes pour effectuer cette architecture. Ici, nous parlerons d'une étude clé : le design de processus.

L'INFORMATION AU COEUR DES ORGANISATIONS.

Si l'on adopte une approche biomimétique, alors les organisations seraient des formes d'organismes vivants qui répondent aux mêmes lois de la nature. L'une d'entre elles consiste à structurer un développement à travers des échanges d'informations (1).

1. Le parcours d’une information au sein des organismes

On pourrait définir une information comme une forme, ou une combinaison de formes cryptées, qui voyageraient d’une structure vers une autre dans laquelle elle serait traitée, transformée, stockée pour être ensuite transférée vers d’autres structures.

Une information serait donc une forme qui se déplace d’un point A vers un point B à travers un environnement partagé.

Pour pouvoir être externalisée et réceptionnée par une autre, l’information doit être cryptée. Il est donc nécessaire pour les 2 entités d’avoir les mécanismes nécessaires à son encodage puis à son décodage. L’information doit pouvoir être lue, décoder ou comprise pour qu’elle puisse être traitée. C’est ici que les notions de langages et de codes entrent en compte.

En ce qui concerne la nature de ces formes. Elles dépendraient du système ciblé : elle pourrait-être électrique comme dans le cerveau, des données dans l’informatique, des protéines dans les cellules, des graphèmes ou des phonèmes dans la linguistique. Dans les organisations, les informations prennent la forme de documents, de données, de signalements, de conversations, de présentation, etc.

En ce qui concerne son rôle. L’information permettrait la coordination des actions entre deux ou plusieurs unités vers un objectif commun. Au cœur d’une dynamique d’un collectif, d’un couple, d’une famille, d’une équipe, d’une direction, l’information pourrait donc être définie comme l’unité de base des intelligences collectives.

LE DESIGN DE PROCESS AU COEUR DE L’ARCHITECTURE D’ORGANISATION

Une entreprise est une organisation qui n’est jamais centrée sur l’humain. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’acteur principal d’une organisation est l’information. L’analyse des parcours de l’information et des différentes actions impliquées dans ses transformations serait donc au cœur de la sociologie de l’organisation, et non l’inverse.

Ce type d’étude est au cœur du “design de process” ou Business Process Management : la cartographie des actions nécessaires à une société pour qu’elle puisse répondre à sa fonction et se développer de façon vertueuse. Ces processus s’articulent autour de deux points majeurs.

2. Cartographie de process
  • Au même titre qu’un plan d’architecte ou d’une carte du monde, une cartographie des processus est avant tout un objet graphique et interactif (2). Son objectif est de traduire visuellement le parcours de l’information au sein de l’organisation. Globalement, cela ressemble à une grande carte avec plein de formes géométriques connectées entre elles.
  • Une chaîne d’actions est similaire à une suite d’expériences : elles s’améliorent avec le temps. Une carte de processus est donc dynamique, elle évolue. La carte des processus de 2021 est souvent différente de celle de 2022 ou de 2023, car elle changera en fonction des réglementations, des changements économiques et sociaux, du turn-over, etc. En aucun cas, elle ne devra être vue comme un outil statique.

C’est un exercice clé dans toute action de création ou de transformation d’organisation, et elle répond aussi à son propre processus. Il pourrait être décrit de la façon suivante.

1. L’ARCHITECTURE FONCTIONNELLE

La première étape vise à cartographier et connecter les différents grands corps nécessaires pour traiter l’information. C’est ce qu’on appelle l’architecture fonctionnelle de l’organisation. On y retrouve souvent les corps classique de type fonction juridique, fonction commercialisation, fonction administrative, etc. et les corps plus spécifiques aux métiers.

3. Architecture fonctionnelle

2. LE TRAITEMENT DES INFORMATIONS

Une fois ces grands corps et leurs logiques définis, on pourrait définir et cartographier chacune des actions de manière plus ou moins précise. Chaque tâche est structurée à travers un simple principe : de quoi a-t-on besoin pour produire quoi et dans quels délais ? Plusieurs notes sur ce point :

  • Chaque action a besoin d'une ou plusieurs informations d'entrée et en retour génère une ou plusieurs informations. Cela peut rappeler les équations stœchiométriques de chimie organique.
4. Transformation des informations par des actions
  • Chacune de ces actions pourrait être décomposée en "sous-actions" qui, selon une forme de fractale, pourraient elles-mêmes être décomposées en "sous-processus". On parle ici de résolution du processus. Plus la résolution est fine, plus le processus dictera un "comment". Trop détailler une action risque de l'imposer, de la rigidifier et de rendre l'acteur esclave du processus. C'est la différence entre une procédure et un processus. La première est souvent dictée tandis que l'autre émerge de l'activité. Dans ce sens, il est important de laisser les futurs acteurs définir et s'accorder sur la méthode et les améliorations qu'ils jugent les plus appropriées. Le temps de traitement observé et/ou ciblé pour effectuer l'action est clé. C'est la dimension qui permettra de définir le type d'acteur le plus adapté à la réalisation de cette tâche.
5. Sous-process

La notion de délai de traitement de la tâche est importante, car la performance globale d'une organisation est corrélée à un temps de réaction qualitatif face à des stimuli externes. En d'autres termes, "elle doit réagir rapidement et efficacement lorsque quelque chose se produit". Le défi est de trouver un bon équilibre entre réactivité et qualité des comportements.

3. AUTOMATE VERSUS HUMAIN

La troisième partie se focalisera sur le type d'acteur. Aujourd'hui, la question est de savoir si cet acteur est un logiciel et/ou un être humain. Le premier offrira des traitements plus courts tandis que le second offrira des traitements de meilleure qualité.

L'utilisation d'un acteur logiciel permettra d'automatiser les processus et d'accélérer le temps de réaction. On fait parfois l'amalgame trop rapide entre machine et économie de masse salariale. Tout dépend du contexte. Une réponse souvent rapide peut être associée à une réponse peu qualifiée. Par exemple, une automatisation excessive des relations clients peut être problématique. Des réponses rapides mais non qualifiées risquent de frustrer les clients en leur donnant des réponses inadaptées à leurs demandes. Des délais plus longs que prévus, mais qualifiés, permettront de fidéliser plus facilement les clients. C'est le risque d'une organisation surautomatisée, d'où la nécessité d'utiliser le deuxième type d'acteur : un être humain.

6. Les types d’acteurs

La cognition humaine est d'apparence plus lente que celle d'une machine, mais sa valeur ajoutée en termes d'empathie, d'affect, de contraste, de dimension et de créativité est sans égal. C'est la partie "qualitative" nécessaire à la performance de l'organisation. Quelques notes.

  • Aujourd'hui, la tendance vise à automatiser les tâches dites de "bas niveau", souvent sur les processus administratifs, et à concentrer l'intellect des collaborateurs sur des tâches à forte valeur ajoutée comme l'optimisation, l'innovation, la R&D, etc. Tout dépend de la philosophie, de la vision et du modèle économique à travers lesquels l'organisation a été construite et souhaite se développer. La finesse des savoir-faire et des savoir-être est ce qui donnera de la valeur à une organisation, la machine permettra de s'y consacrer à 100%.
  • Cet équilibre entre l'homme et la machine sera au cœur des deux dimensions d'une architecture SI : le système d'information pour fluidifier les échanges entre acteurs humains et le système informatique pour accélérer et amplifier le système d'information par la donnée, l'ergonomie et l'automatisation. Un bon design de processus fait souvent office de cahier des charges fonctionnelles pour le développement d'applications internes, le métier ou la mise en place de scénarios d'automatisation de type zapier, n8n, power automate ou integromat.

4. L’HUMAIN AU COEUR DU DEVELOPPEMENT

C’est au 4e niveau que l’intégralité de la dimension humaine entre en jeu. Ces ensembles de processus servent de fondations pour identifier et surtout faire comprendre les besoins en termes d’expertises techniques. En d’autres termes, ces processus permettent la rédaction de fiches de poste ou l’animation des programmes d’accompagnement des talents pour assurer leur montée en compétences. C’est l’ingéniosité derrière les profils choisis qui aidera à spécifier les “comment” identifiés à l’étape 2 et l’optimisation des processus mentionnés à l’étape 3.

La résultante de cette étape est ce qu’on appelle un “gradient des expertises”. Par exemple, si une action est à cheval entre des thématiques de communications opérationnelles et de structuration juridique, alors l’acteur en charge de ce corps d’action devra comprendre les deux expertises afin de s’assurer que l’information soit correctement traduite, transmise et surtout comprise des deux côtés. Ce gradient permettra de s’assurer de la présence des “liants” nécessaires à la fluidification des flux d’informations. Vous avez là l’indispensable échiquier des profils spécialistes et transverses. En résumé, si tout le monde est spécialiste, personne ne se comprend.

7. le gradient des expertises

La co-construction d'une carte de processus avec les acteurs de l'entreprise lui confère une nouvelle dimension. Elle devient dès lors un outil d'engagement des individus dans le projet collectif. Chacun voit et comprend sa place dans la fine horlogerie qu'est la société.

Chacun peut voir où il veut aller et donc permettre aux Ressources humaines de mieux les accompagner dans le parcours le plus optimisé, en les faisant évoluer sur des postes intermédiaires par exemple pour acquérir d'éventuelles compétences manquantes. Même si une organisation est centrée sur l'information, elle est opérée par les humains et leur engagement est primordial pour la réussite de l'entreprise. La cartographie des processus devient un socle pédagogique et visuel pour orienter et structurer la société autour de l'humain.

5. LE MANAGEMENT DES ORGANISATIONS

Et enfin la dernière partie, souvent la plus compliquée à mettre en place et à dimensionner. Corrélée à la taille de l'entreprise, elle consiste à cartographier les modes de gouvernance nécessaires à la coordination et à l'amélioration des corps fonctionnels vers l'objectif commun. C'est une couche qui se superpose aux processus. Sauf si le manager a une mission de validation, il n'apparaît souvent que très peu dans les processus en eux-mêmes, mais beaucoup dans cette couche fantôme indispensable. On parle ici des circuits et des modalités de pilotage et de décision au cœur du management des organisations. Plus l'entreprise sera grande et complexe, plus une attention particulière devra être portée sur cette architecture de gouvernance. Il faut qu'elle soit assez détaillée pour permettre une coordination optimale entre les différents corps fonctionnels sans être trop complexe pour éviter des circuits de décision trop alambiqués qui ralentiront le métabolisme de l'organisation, donc son temps de réaction et donc son adaptabilité.

8. couches de gouvernance.

UN RÉFÉRENTIEL POUR TOUTES DÉMARCHE D’OPTIMISATION ET D’AMÉLIORATION CONTINUE

Au final, même si le côté « business process management » a un aspect « vieille école », réalisé avec une vision contemporaine des organisations, une cartographie des processus peut se révéler être un référentiel optimisé pour penser et renforcer la stratégie de développement d'une organisation apprenante.

Gd.